[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]The Harvestman est un constructeur à l’esthétique forte, leurs modules (majoritairement numériques) sont de véritables sources de déflagrations soniques. Rencontre avec Scott Jaeger, le “moissonneur”.Peux-tu nous expliquer comment tu as découvert les synthétiseurs modulaires ? Et pourquoi tu as commencé à créer tes propres modules ?Quand j’étais plus jeune, les synthés modulaires me fascinaient déjà. L’un des premiers “vrais” synthétiseurs que j’ai eu était un Clavia Micro Modular. Mais ce n’est qu’à mon entrée à l’université que j’ai enfin pu mettre les mains sur des patches physiques avec des instruments tels que le Wavemakers, un modulaire Moog ou le ARP 2600.
À cette époque, je jouais dans un groupe de musique improvisée et j’avais rassemblé une petite collection de modules Doepfer trouvés à pas trop cher. En 2006 on n’avait pas trop le choix pour se créer un modulaire en petit format. Mais il était quasiment impossible de trouver des modules qui exploraient des champs très expérimentaux ou des applications aventureuses des technologies numériques. Alors que j’utilisais cette configuration, je voulais des effets qui n’étaient pas disponibles au format Eurorack, tels qu’un bitcrusher ou un delay bouclable avec Control Voltage. J’ai réussi à créer ces modules, et à la fin de mes études je me suis mis à les produire en nombre.
Tes modules ont beaucoup de personnalité, même s’ils sont très polyvalents, ils semblent porteurs de leur propre esthétique, est-ce que je me trompe ?Je suis passionné par la musique électronique expérimentale et abrasive du début des années 80, power electronics et death industrial, ainsi que par les recherches plus académiques autour de réseaux complexes de feedbacks. Mes modules sont créés pour faciliter l’accès à ces espaces soniques, même si je vise la polyvalence afin qu’ils offrent un très large spectre sonore. Les versions MKII de mes modules visent à augmenter cette polyvalence. Donc l’esthétique du signal sortant tient plus à l’utilisateur qu’à l’électronique de mes circuits.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Tu utilises principalement les technologies numériques dans un environnement analogique, est-ce délibéré ou juste lié à tes projets ?C’est totalement délibéré. Quand j’ai commencé à créer mes instruments il y avait assez peu de propositions expérimentales et aventureuses alors qu’on peut faire tellement de choses avec les câbles de patch. De plus, je suis passionné par “l’histoire alternative” des instruments de musique numériques. Le marché des synthétiseurs n’a jamais réellement créé des connexions entre les puissants algorithmes de synthèse numériques et des surfaces de contrôle en temps réel. De plus, les premiers instruments numériques étaient loin d’être abordables pour les musiciens qui ont créé les musiques que je préfère.
Mes inventions sont donc motivées par cette question : Et si ces sonorités numériques étaient disponibles et flexibles pour ce type de musique ? À part pour la ressortie des circuits singuliers du Polivoks, ce n’est pas trop mon truc de travailler à réactualiser des circuits analogiques basiques. Même si je les trouve très intéressants d’un point de vue historique, mes goûts dans ce domaine sont très spécifiques. Et puis de toute façon, je trouverai tout ce qu’il me faut dans le MS20-mini que Korg lance à un prix totalement imbattable.
Es-tu proche d’artistes utilisant tes modules ? T’inspires-tu de leurs retours ?Oui, certains avis d’artistes sont très importants pour moi. Surtout s’ils utilisent leur instrument dans des contextes de musiques improvisées et libres et ne le voie pas comme un simple support scénique.
J’ai travaillé de manière étroite avec Alessandro Cortini afin de développer un instrument petit, portable et polyvalent. Cet instrument s’appelle le SuONOIO et était disponible quand il a sorti quelques albums il y a quelques années. Je ne collabore pas souvent, mais les avis d’Alessandro et de ses amis (Richard Devine, Robert Lowe, etc.) sont très importants afin d’ajouter des idées extérieures à mes créations. Depuis que j’ai commencé cette aventure, je n’ai plus trouvé le temps d’enregistrer ou de jouer régulièrement, donc des échanges avec ces musiciens professionnels sont très utiles pour affiner mes circuits. Je ne suis pas très sociable, je peux passer des semaines sans parler à personne en dehors de ma famille, mais dès que je refais surface je peux compter sur ces gars pour me remettre dans la bonne direction.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Il est également primordial d’échanger avec d’autres développeurs. Ils sont nombreux dont l’objectif premier est de faire avancer les choses artistiquement et j’aime à penser que je fais partie de ce groupe. Tony [Make Noise NDLR], Dan [Snazzy FX NDLR], Josh [Malekko NDLR], Danjel [Intellijel NDLR], William [WMD NDLR], Ken Mcbeth, Steve R [Monorocket NDLR], etc. Je pourrais remplir une page de noms de personnes qui font exactement ce qu’il faut en créant des instruments étranges. On connait tous le travail des autres. Certains d’entre nous utilisent les créations des autres même si on peut se servir dans notre propre stock pour notre usage personnel.
Je tiens tout de même à mentionner tout particulièrement Vladimir Kuzmin qui vient de Russie. J’ai travaillé avec lui pour transposer dans le monde modulaire ses travaux antérieurs. Les composants du Polivoks créés par l’économie soviétique ont des comportements vraiment étranges et surprenants, ce qui les rend totalement légitimes à rejoindre des circuits plus modernes. Ils étaient presque inconnus en occident avant la chute du bloc soviétique et il y a assez peu d’explorations de ces circuits uniques en dehors de mes adaptations au format Eurorack. Avec Vladimir, nous avons terminé l’adaptation des circuits du Polivoks au format Eurorack et les derniers modules sortiront cet été. Il sera donc possible de se créer un système modulaire proposant des possibilités allant au delà du Polivoks original avec ces quelques modules (le VCG, le VCF et les deux nouveaux modules, un VCA/EG et le Modulator). Une fois ces modules sortis, nous allons continuer notre collaboration, nous travaillons sur un projet nommé The HUMANIZER.
Tu travailles sur des versions MKII de tes modules - Travailles-tu également sur de nouveaux modules ?Oui, les versions MKII sont de simples mises à jour de mes premiers modules en utilisant de meilleures technologies qui se retrouveront dans mes nouvelles créations, mais je ne peux donner aucun détail pour le moment.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Tu sembles aimer les têtes de mort, te considères-tu comme un pirate ?Beaucoup de mes travaux visuels impliquent la distorsion et la destruction de l’anatomie faciale. Ces éléments se retrouvent donc de manière assez naturelle dans le design de mes instruments.
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